UTNG 2016 (le récit)


UTNG

(Ultra Trail Nantes Guérande)



1 - Un nouvel objectif

Merci à Simon Mauviel (l'Echo de la Presqu'île)
18 juin 2016, 17h50, voici enfin le jour tant attendu, le jour de l'UTNG, l'Ultra Trail Nantes Guérande, c'est comme cela que je l'ai baptisé.
Un ultra trail de 142 km de Nantes à Guérande en empruntant exclusivement (ou presque) le GR3.
Il faut revenir au mois de décembre 2015 pour comprendre ce qui m'a poussé à me lancer ce défi.
Je cours des trails depuis un certain nombre d'années, j'ai augmenté les distances et le niveau de difficulté assez progressivement avec un objectif en 2015: le Grand Raid des Pyrénées, 80 km pour 5000m de dénivelé positif. Une très belle course, très difficile d'autant que les conditions météo de fin de course étaient assez terrible !
Ca c'était en août. Le problème des grosses courses d'été, même si ce n'est pas vraiment un problème, c'est qu'après avoir réalisé l'objectif, la saison n'est pas finie, il me restait suffisamment d’énergie et d'envie pour m'engager sur la SaintéLyon début décembre: 72km pour 2000 m de dénivelé positif, course que j'ai terminée en un peu moins de 9 heures ce qui est très satisfaisant pour moi.
Cette fois l'année sportive était belle et bien terminée, la période de récupération est arrivée avec les fêtes, mais aussi le moment où l'on commence à réfléchir à programmer la saison prochaine.
Mais que faire ? Les grosses courses de montagne comme le GRP sont assez lourdes en matière de préparation physique, habitant en Loire Atlantique je n'ai pas de montagnes pour m'entrainer, il faut donc faire des séances de montées-descentes, des sorties longues voire très longues du style 4 heures le samedi suivi de 6 heures le dimanche, du coup il est assez difficile de faire cet entrainement à plusieurs, à moins de préparer la même course et d'avoir le même niveau.


2 – Coup de gueule

Et puis je trouve que depuis un certain temps le trail n'est plus ce qu'il était à ses débuts, à savoir des courses nature accessibles à tous. Aujourd'hui les gros trail (ça déteint également sur les "petits") sont devenus de vrais Business, avec des tarifs d'inscription de l'ordre d'un euro au kilomètre, des conditions de plus en plus exigeantes avec parfois l'obligation d'avoir acquis un certain nombre de points pour pouvoir s'inscrire, suivi d'un tirage au sort. Bientôt on verra des trails réservés aux élites j'en suis sûr ! A ça vient s'ajouter le prix des équipements qui s'est complètement enflammé ces dernières années : aujourd'hui une bonne paire de chaussures de trail coûte environ 140 euros (et la qualité n'est pas forcément là !), les vêtements « technique » sont également hors de prix, à croire que l'on ne sait plus courir avec un simple short, je ne parle pas des montres cardio/GPS, maintenant on ne sait plus courir sans la dernière Garmin ou autre Suunto à 300 ou 400 euros, plus le matériel obligatoire sur les courses de montagne comme les lampes frontales, les vestes de pluie coupe-vent (plus c'est fin et léger plus c'est cher), le sac à dos porte gourdes, les bâtons etc ... Lorsqu'un coureur s'élance sur l'UTMB, il a pour commencer eu pas mal de chance d'avoir une place mais il a sur lui une vraie fortune !
Mais a priori à voir le nombre d'abandons sur les courses grand format, le matériel haute technologie n'améliore pas forcément les performances, ça se saurait !
Bref mon défi était également un coup de gueule (silencieux) sur la tournure que prend ce sport et c'est donc comme cela que je me suis décidé à organiser ma propre course en choisissant le lieu, la date et l'heure du départ.
M'entrainant régulièrement sur le GR3 je me suis dit que partir de Nantes et aller au bout du GR3 serait une aventure sympa, sauf que le bout c'est Guérande et par le GR il y a environ 142 km et à peine plus de 1000m de dénivelé positif.

3 – Sur la ligne de départ

L'ayant annoncé à mes proches la veille de Noël, je n'avais plus qu'à me préparer, pour la date c'était assez simple, j'ai choisi le 18 juin car c'est un week-end parmi ceux où les nuits sont les plus courtes et c'est également un week-end de (presque) pleine Lune ce qui n'est pas négligeable !
Je ne détaillerai pas les 6 mois d'entrainement où j'utilisais mes grandes sorties pour repérer le parcours portion par portion afin de ne pas avoir de mauvaises surprises surtout la nuit.
Me voici donc au pied du château des ducs de Bretagne prêt à suivre les traces de la duchesse Anne qui en 1488 quitta Nantes pour se réfugier à Guérande, je ne pense pas qu'elle emprunta à l’époque le GR et surtout pas en courant, mais j'ai bien l'intention de me rendre dans la ville fortifiée de Guérande au pied de l'église la collégiale.
Le public pour le départ n'a bien sûr pas grand chose à voir avec celui des courses officielles, ma femme, ma fille et un couple d'amis sont là pour m'encourager.

4 - La course

18h c'est parti, je quitte le château de la duchesse Anne direction la cathédrale, les gens que je croise me regarde étonnés, j'ai un peu l'impression d'être un extra terrestre.
Je longe le cours Saint André pour attraper les bords de l'Erdre. Comme je le disais précédemment, j'ai passé mes dimanches à reconnaitre le parcours portion par portion à part les 5 premiers kilomètres ainsi que les 17 derniers, mais c'est facile, je dois longer l'Erdre sur la rive Est et traverser le pont de la Tortière pour passer du côté Ouest. Il n'y a pas de raison que je me perde !
Après 2,5 km je passe sous ce fameux pont sans savoir si c'est bien celui là, bizarrement je vois des coureurs sur l'autre rive, je suis à peine parti que je dois demander mon chemin à un promeneur et effectivement c'était bien le pont de la Tortière, donc demi tour, ça commence bien !
27 minutes de course et 5 km, je suis sur les quais de la Jonelière, à partir de là je connais le chemin, normalement je ne devrais pas me perdre, curieusement j'ai encore en mémoire tout le parcours, surtout les endroits où j'ai eu du mal à trouver les fameuses traces rouge et blanche.
Il y a pas mal de coureurs sur cette portion mais tous sont dans leur bulle, les écouteurs dans les oreilles et aucun ne répond à mes "bonjours !".
8 km après avoir quitté le château, au niveau de la Chapelle sur Erdre, je plonge dans un petit bois le long du Gesvres et d'un coup je me sens un peu seul, il va falloir que je m'y habitue !
Ce passage d'environ 4 km est vraiment très joli et agréable, j'en profite pour faire quelques prises de vue, je suis parti avec une petite caméra style Go Pro et j'essaierai de faire un point sur le parcours et sur mon état de forme tous les 10kms.
Vers le 15 ème km le GR emprunte un pont au-dessus de la N137, c'est beaucoup moins joli et je fais le plein de gaz d'échappement.
17km, j'approche d'Orvault, je traverse le parc du château de la Tour, habituellement il y a beaucoup de promeneur à cet endroit mais là il est 19h45 et le parc est complètement vide.
Mon téléphone sonne, ma femme et ma fille m'attendent au pied de l’église d'Orvault, je devrais y être dans quelques minutes.
Je retrouve mon fan club après 1h55 de course et un peu moins de 20km. Pour l'instant tout va bien, je suis en forme, ça me fait plaisir de les voir mais il ne faut pas trop que je m'attarde, un petit diable au-dessus de ma tête me dit que je serai bien mieux avec elles au chaud ! Il faut que je chasse cette idée de mon esprit et que je reparte.
Nous nous donnons rendez-vous à saint Etienne de Montluc.
Côté météo c'est parfait, ni trop chaud ni trop froid, pas de pluie, j'ai de la chance car les jours précédents jusqu'à ce matin il y a eu de belles averses.
J'approche maintenant de Sautron, je traverse le Cens vers le 25ème km, j'ai commencé à alterner course et marche afin de me préserver, la route est encore longue !
Côté alimentation je ne suis pas au top, les gels sucrés passent très bien, en revanche j'ai essayé de manger une barre de céréale et j'ai bien du mal à l'avaler.
28ème kilomètre j'arrive au niveau du circuit de Karting de Sautron et il y a une compétition en cours, je m'arrête un instant pour les regarder tourner sur le circuit.
Le soleil commence à tomber, la luminosité change, je traverse la N165 et je repars sur une longue portion de bitume, je fais un point au 30ème km, je suis parti depuis 3h08 exactement, je suis un peu fatigué, j'ai mal aux mollets, mais rien d'inquiétant.
Maintenant je suis sur un terrain que je connais un peu mieux, c’est une partie empruntée par le super trail nantais que j’ai déjà couru deux fois.
Je reçois un coup de fil de ma chérie qui me dit qu’elles m’attendent à l’église de Saint Etienne de Montluc pour un dernier encouragement avant de me laisser seul pour la nuit.
Je les retrouve comme prévu vers le 37ème km et 3h58 de course. Je suis crevé, j’ai un gros coup de mou mais j’essaie de ne pas trop le montrer malgré le fait que ma femme me trouve palot !
Je n’arrive pas à manger ni les barres de céréales ni les tucs salés ne passent, ça va devenir problématique !
Je ne m’attarde pas trop, mais à ce moment là je n’ai qu’une envie, celle de rentrer chez moi … mais non je me suis tellement préparé que je ne vais certainement pas abandonner pour un petit coup de moins bien !
Je m’équipe de ma lampe frontale et je repars, prêt à affronter une longue nuit.
Juste avant de quitter Saint Etienne je passe devant la salle des fêtes où se déroule une soirée, certainement un mariage. Je passe mon chemin pour retrouver rapidement mon GR favori.
Maintenant mon prochain objectif est le lieu dit de la Colle où je dois me ravitailler.
Je refais un point au 40ème km, je suis complètement cramé, je décide de marcher jusqu’à ce que je récupère. Cette fois il fait nuit, je suis obligé d’allumer ma lampe frontale.
Même si je connais le parcours, je dois quand même faire attention de bien repérer les marques du GR, d’autant que ma vigilance baisse avec la fatigue, je dois veiller à ne pas me perdre où me blesser en tombant, il y a quelques passages où je peux glisser sur des pierres mouillées par exemple.
D’ailleurs peu après le 40ème je trouvais drôle de ne plus trouver de marques et effectivement j’avais pris le mauvais chemin sur quelques centaines de mètres.
43ème kilomètres et 5h11 depuis le départ, j’arrive enfin à la colle, je pose mon sac et je m’assoie un peu à la table, ça fait du bien ! Heureusement il y a de l'eau au robinet, ma crainte était qu'il soit fermé pour la nuit ! Je fais le plein de ma poche (mais elle n’était pas vide) et de mon bidon (en boisson énergétique), je me rince le visage à l’eau fraiche et je repars après une dizaine de minutes.
Cette pause m’a fait le plus grand bien, j’ai retrouvé de l’énergie et je repars en courant.
Cette partie est assez « casse pattes » donc j’alterne quand même marche et course à pied, en revanche je connais cette portion par coeur je pourrais presque le faire en fermant les yeux !
Je reçois un appel d’Anthony, lui et Yann vienne de courir l’Ultra Trail Puits Marie Aurillac et a priori ils en ont bavé, ils ont eus une météo pourrie, mais bon ils ont fini, à l'heure qu'il est ils sont au restaurant alors que moi je suis loin d'avoir fini.
J’arrive au 50ème km (6h19 de course) peu après le lieu dit de la Touche, ça va toujours, j’ai vraiment retrouvé une seconde santé, je n’ai pas besoin de chercher le GR, j’ai parcouru ces sentiers des centaines de fois depuis que je pratique le trail, ça a un côté rassurant, je me sens un peu chez moi.
J’ai reçu une série de SMS en quelques minutes mais je n’arrive pas à les lire puisque je cours sans mes lunettes.
Vers le 51ème km j’entends des bruits lointains, comme si il y avait une rave party dans le coin.
A mesure que j’avance le son s’amplifie, et mon téléphone qui m’annonce un nouvel SMS. Cette fois je décide d’appeler l’émetteur du message, ça je sais le faire sans lire l’écran. Il est minuit et demi je pense savoir qui c’est !
« Salut Franck ! Salut Steph, tu ne dors pas ? …», j’ai même le droit à un encouragement de la part de ma petite nièce, ça fait du bien de parler à quelqu’un.
Cette fois je comprends ce qui se passe, ce n’est pas une rave party,il s’agit d’une bande de jeunes qui font une fête dans un pré, il y a un gros feu, des tables et beaucoup de vies, ils parlent fort, ils ne doivent plus être très frais !
Je me sens un peu comme un voyeur, je suis dans le noir ils ne peuvent pas me voir, ou alors juste ma lampe frontale.
Le sentier débouche sur une petite route et je passe juste devant le lieu des festivités. Deux femmes (a priori jeunes) se sont écartées du groupe et marchent sur la route devant moi. En m’entendant elles se retournent, elles arrêtent de parler puis d’un coup elles se mettent à courir en criant comme des folles comme si j’étais un pervers à la recherche de proies. Cette situation m’a beaucoup fait rire !
J’arrive au lac de Savenay à 1h18, j’en profite pour m’asseoir 5 minutes sur un banc, ça fait du bien, mais ce n’est pas le moment de s’endormir.
J’entre dans Savenay à 1h30 du matin, les lampadaires sont allumés ça me réveille un peu !
En traversant le centre j’entends un peu de vie dans les bars, je ne suis pas tout seul debout.
Je passe au 60 ème km après 7h53 de course, j’ai de nouveau un gros coup de fatigue mais cette fois je pense que c’est plus une envie de dormir qui me prend, ça va passer.
Vers 2h20 je traverse la Chapelle Launay et ici aussi il y a de l’activité, je vois des jeunes qui s’engueulent, j’ai l’impression qu’ils vont se battre, de la manière donc ils parlent (crient) ils n’ont pas bu que de l’eau, j’entends également au loin un DJ qui anime une soirée.
Je m’arrête à l’église pour refaire le plein en eau et changer mes piles qui commencent à faiblir un peu.
Je remarque qu’il me reste encore beaucoup d’eau, je ne bois pas suffisamment !
Je ne m’attarde pas trop il y a des zombies qui trainent pas très loin de moi, je n’ai pas envie de me frotter à eux.
J’entre dans Boitouze vers 3h15 du matin, j’ai parcouru 68 km et je suis extrêmement fatigué, j’ai très envie de dormir, mes yeux se ferment tout seul.
J’en peux plus, je m’arrête à une table de pique-nique, j’enlève mon sac, j’éteins ma lampe, je m’allonge sur le banc et je pose mon sac sur ma poitrine en guise de couverture. Quel calme, et dire que je suis à 500 mètres de chez moi, qu’est ce que je serai bien à la maison au chaud avec ma femme et ma fille ! Je m’endors en regardant les étoiles.
J’ai dormi profondément pendant 10 minutes et ça m’a requinqué, en revanche je me suis refroidi, j’enfile ma veste coupe-vent et je repars.
Je passe donc au 70 ème km à exactement 3h45 (9h45 de course), je suis à la mi-parcours, je m’arrête 2 minutes pour changer de montres GPS, jusque-là j’avais une Garmin Forerunner 205 qui a environ 10 heures d’autonomie, je vais continuer avec une Suunto Ambit 3 run qui elle peut tenir 15 heures. et c’est reparti…
Une forte brume fait son apparition, je ne vois pas grand-chose à 10 mètres, heureusement cette portion est beaucoup plus roulante, je ne risque pas de trébucher sur une racine.
80 ème kilomètre il est un peu plus de 5 heures du matin (11h05 depuis le départ), je suis fatigué (encore !) le soleil devrait pointer le bout de son nez dans 30 minutes, je compte sur lui pour me donner un coup de boost.
Peu après je passe à proximité d’une table de pique-nique, j’en profite pour refaire une micro sieste, cette fois en position assise.
Vers 6 heures du matin j’assiste enfin au levé du soleil, c’est magnifique, c’est une nouvelle journée qui commence et la fin approche.
Je reçois un coup de fil de ma chérie, elle vient juste de se réveiller et m'appelle pour prendre des nouvelles. Je prends alors conscience que j’ai passé la nuit dehors et tout compte fait ça m'a paru assez rapide, à vrai dire je ne me souviens pas de tout, il y a des moments où je devais dans un état de somnolence.
90 km, 12h52 de course, il fait bien jour maintenant, je me sens bien mis à part une douleur derrière le genou droit ou plutôt en haut du mollet, un peu comme une crampe, j’espère que ça va passer, je ne suis pas très loin de Crossac où je dois me ravitailler.
C’est assez curieux, je passe par des moments où j’ai chaud et d’autres où j’ai froid, certainement l’effet de la fatigue.
J’arrive à l’église de Crossac après 94 km et 13h30 de course, il est 7h30, je pose mon barda et je m’assoie sur les marches de l’église.
Des coureurs s’apprêtent en enfourcher leur vélo pour leur sortie dominicale, ils ne se doutent pas que je suis parti depuis la veille.
Je profite de cet arrêt pour changer de chaussettes, de maillot, j’enfile ma veste coupe-vent et je me passe de la crème anti frottement sur certaines zones un peu irritées.
Bien sûr je fais le plein d’eau et je repars vers le km 100.
J’arrive au 100 ème kilomètre peu avant Sainte Reine de Bretagne, je les ai parcourus en 14h43.
Au même moment je reçois un appel de Yann, il m’appel pour prendre de mes nouvelles, je lui explique que je suis complètement cramé que c’est dur mais que je viens de passer le 100ème que j’ai fait le plus difficile et donc que je vais finir.
C’est aussi à partir de ce moment là que ma montre s’est mise à déconner, d'un coup elle m'a affiché 8 km de plus, c’est pas possible quelle mer…!
Dans les marais, je fais la rencontre d’un pêcheur et je m’arrête 2 minutes pour discuter de tout et de rien, je lui demande si ça mords, il me répond que non, qu'il a trop plu les jours précédents. Il me demande d’où je viens, je lui réponds « de Nantes » ... il a dû me prendre pour un fou ou pour un menteur !
Ce passage est très joli je suis sur un petit chemin entre deux canaux en pleine Brière, il n'y a pas âme qui vive, c’est magnifique.
Ma femme m’appelle pour me demander où je suis, je suis obligé de demander à quelqu’un pour savoir que je suis dans le village de Camer, j’ai chaud, je suis HS j’ai très mal à mon mollet droit (toujours) ça ressemble à une contracture.
On se donne rendez-vous à la sortie des marais, j’ai une grosse portion (environ 5 km) à traverser avant d'arriver à une aire de départ pour les touristes désirant faire un tour de barque.
Le fait de ne plus savoir à combien de km j’en suis me perturbe beaucoup, jusque-là ça me servait de guide, de repère et d’un coup ça ne fonctionne plus, ce n'est pourtant pas grave mais ça ne fait qu'aggraver la situation. En revanche ma montre m'indique toujours la direction à suivre donc je ne peux pas me perdre. Je critiquais le « sport business » en introduction mais je m'aperçois que le simple fait de perdre la distance parcourue bouleverse et met en péril mon projet...
Bref, de mémoire je sais que là où je suis c’est le 110 ème km, j’ai toujours très mal à la jambe je ne peux plus courir, j’ai chaud, ça ne va plus du tout, j’ai encore 32 km à faire, je vais devoir terminer en marchant, ça va être long !
Je trouve cette portion de marais interminable, le terrain est instable et par endroit à peine défricher, les roseaux me coupent la peau.
J’arrive enfin au point de rendez-vous (vers le 114ème km) au bout de 16h30 de course, je suis le premier arrivé, le petit diable me dit que je dois jeter l'éponge ici, que je ne peux pas continuer en souffrant davantage, je n'arrive pas à trouver des ressources pour m'empêcher d'abandonner.
J'attends assis sur un petit pont au bord de la route (D51), je ne sais pas ce que je vais faire lorsque la voiture arrivera, c'est tellement dur et décevant d'arrêter, c'est un échec et en même temps ça ne serait pas sérieux de continuer dans cet état !
Ma femme et ma fille arrivent enfin, elles n'ont pas besoin de me demander si je vais bien, ça se lit sur mon visage. Je suis resté assis à peine 5 minutes et en me relevant j'ai bien de la peine à marcher ……………...c'est décidé j'arrête là !


5 – L'heure du bilan

Dans la voiture sur le chemin du retour je commence déjà à regretter d’avoir abandonné, tout ça pour ça, tous ces entrainements pour échouer si près du but !
L’abandon fait partie du trail et du sport en général mais ce n’est jamais facile à vivre, j’essaierai d’en tirer des enseignements, je n’ai certainement pas assez bu et ce dès le départ mais est-ce vraiment la cause, je ne sais pas ! J’ai peut-être eu les yeux plus gros que le ventre autrement dit j’ai peut-être mis la barre un peu trop haute !
Quant à savoir si je ferais un nouvel essai sur le même parcours, il est encore trop tôt pour y penser, ce qui est sûr c'est que je ne le referais pas tout seul, la solitude sur ce genre d’épreuve est un paramètre qui a sa place et je crois que je n’ai pas su le gérer.
Cela reste quand même une belle expérience et je ne regrette pas de m’être lancé ce défi, reste maintenant à reprendre en douceur les entrainements et rapidement se fixer un nouvel objectif.
Voilà fin de l’histoire.