UTNG
(Ultra
Trail Nantes Guérande)
1 - Un nouvel objectif
Merci à Simon Mauviel (l'Echo de la Presqu'île) |
Un ultra trail de
142 km de Nantes à Guérande en empruntant exclusivement (ou
presque) le GR3.
Il faut revenir au
mois de décembre 2015 pour comprendre ce qui m'a poussé à me
lancer ce défi.
Je cours des trails
depuis un certain nombre d'années, j'ai augmenté les distances et
le niveau de difficulté assez progressivement avec un objectif en
2015: le Grand Raid des Pyrénées, 80 km pour 5000m de dénivelé
positif. Une très belle course, très difficile d'autant que les
conditions météo de fin de course étaient assez terrible !
Ca c'était en août.
Le problème des grosses courses d'été, même si ce n'est pas
vraiment un problème, c'est qu'après avoir réalisé l'objectif, la
saison n'est pas finie, il me restait suffisamment d’énergie et
d'envie pour m'engager sur la SaintéLyon début décembre: 72km pour
2000 m de dénivelé positif, course que j'ai terminée en un peu
moins de 9 heures ce qui est très satisfaisant pour moi.
Cette fois l'année
sportive était belle et bien terminée, la période de récupération
est arrivée avec les fêtes, mais aussi le moment où l'on commence
à réfléchir à programmer la saison prochaine.
Mais que faire ? Les
grosses courses de montagne comme le GRP sont assez lourdes en
matière de préparation physique, habitant en Loire Atlantique je
n'ai pas de montagnes pour m'entrainer, il faut donc faire des
séances de montées-descentes, des sorties longues voire très
longues du style 4 heures le samedi suivi de 6 heures le dimanche, du
coup il est assez difficile de faire cet entrainement à plusieurs, à
moins de préparer la même course et d'avoir le même niveau.
2 – Coup de gueule
Et puis je trouve
que depuis un certain temps le trail n'est plus ce qu'il était à
ses débuts, à savoir des courses nature accessibles à tous.
Aujourd'hui les gros trail (ça déteint également sur les "petits")
sont devenus de vrais Business, avec des tarifs d'inscription de
l'ordre d'un euro au kilomètre, des conditions de plus en plus
exigeantes avec parfois l'obligation d'avoir acquis un certain nombre
de points pour pouvoir s'inscrire, suivi d'un tirage au sort. Bientôt
on verra des trails réservés aux élites j'en suis sûr ! A ça
vient s'ajouter le prix des équipements qui s'est complètement
enflammé ces dernières années : aujourd'hui une bonne paire
de chaussures de trail coûte environ 140 euros (et la qualité n'est
pas forcément là !), les vêtements « technique » sont
également hors de prix, à croire que l'on ne sait plus courir avec
un simple short, je ne parle pas des montres cardio/GPS, maintenant
on ne sait plus courir sans la dernière Garmin ou autre Suunto à
300 ou 400 euros, plus le matériel obligatoire sur les courses de
montagne comme les lampes frontales, les vestes de pluie coupe-vent
(plus c'est fin et léger plus c'est cher), le sac à dos porte
gourdes, les bâtons etc ... Lorsqu'un coureur s'élance sur l'UTMB,
il a pour commencer eu pas mal de chance d'avoir une place mais il a
sur lui une vraie fortune !
Mais a priori à
voir le nombre d'abandons sur les courses grand format, le matériel
haute technologie n'améliore pas forcément les performances, ça se
saurait !
Bref mon défi était
également un coup de gueule (silencieux) sur la tournure que prend
ce sport et c'est donc comme cela que je me suis décidé à
organiser ma propre course en choisissant le lieu, la date et l'heure
du départ.
M'entrainant
régulièrement sur le GR3 je me suis dit que partir de Nantes et
aller au bout du GR3 serait une aventure sympa, sauf que le bout
c'est Guérande et par le GR il y a environ 142 km et à peine plus
de 1000m de dénivelé positif.
3 – Sur la ligne de départ
L'ayant annoncé à
mes proches la veille de Noël, je n'avais plus qu'à me préparer,
pour la date c'était assez simple, j'ai choisi le 18 juin car c'est
un week-end parmi ceux où les nuits sont les plus courtes et c'est
également un week-end de (presque) pleine Lune ce qui n'est pas
négligeable !
Je ne détaillerai
pas les 6 mois d'entrainement où j'utilisais mes grandes sorties
pour repérer le parcours portion par portion afin de ne pas avoir de
mauvaises surprises surtout la nuit.
Me voici donc au
pied du château des ducs de Bretagne prêt à suivre les traces de
la duchesse Anne qui en 1488 quitta Nantes pour se réfugier à
Guérande, je ne pense pas qu'elle emprunta à l’époque le GR et
surtout pas en courant, mais j'ai bien l'intention de me rendre dans
la ville fortifiée de Guérande au pied de l'église la collégiale.
Le public pour le
départ n'a bien sûr pas grand chose à voir avec celui des courses
officielles, ma femme, ma fille et un couple d'amis sont là pour
m'encourager.
4 - La course
18h c'est parti, je
quitte le château de la duchesse Anne direction la cathédrale, les
gens que je croise me regarde étonnés, j'ai un peu l'impression
d'être un extra terrestre.
Je longe le cours
Saint André pour attraper les bords de l'Erdre. Comme je le disais
précédemment, j'ai passé mes dimanches à reconnaitre le parcours
portion par portion à part les 5 premiers kilomètres ainsi que les
17 derniers, mais c'est facile, je dois longer l'Erdre sur la rive
Est et traverser le pont de la Tortière pour passer du côté Ouest.
Il n'y a pas de raison que je me perde !
Après 2,5 km je
passe sous ce fameux pont sans savoir si c'est bien celui là,
bizarrement je vois des coureurs sur l'autre rive, je suis à peine
parti que je dois demander mon chemin à un promeneur et
effectivement c'était bien le pont de la Tortière, donc demi tour,
ça commence bien !
27 minutes de course
et 5 km, je suis sur les quais de la Jonelière, à partir de là je
connais le chemin, normalement je ne devrais pas me perdre,
curieusement j'ai encore en mémoire tout le parcours, surtout les
endroits où j'ai eu du mal à trouver les fameuses traces rouge et
blanche.
Il y a pas mal de
coureurs sur cette portion mais tous sont dans leur bulle, les
écouteurs dans les oreilles et aucun ne répond à mes "bonjours
!".
8 km après avoir
quitté le château, au niveau de la Chapelle sur Erdre, je plonge
dans un petit bois le long du Gesvres et d'un coup je me sens un peu
seul, il va falloir que je m'y habitue !
Ce passage d'environ
4 km est vraiment très joli et agréable, j'en profite pour faire
quelques prises de vue, je suis parti avec une petite caméra style
Go Pro et j'essaierai de faire un point sur le parcours et sur mon
état de forme tous les 10kms.
Vers le 15 ème km
le GR emprunte un pont au-dessus de la N137, c'est beaucoup moins
joli et je fais le plein de gaz d'échappement.
17km, j'approche
d'Orvault, je traverse le parc du château de la Tour, habituellement
il y a beaucoup de promeneur à cet endroit mais là il est 19h45 et
le parc est complètement vide.
Mon téléphone
sonne, ma femme et ma fille m'attendent au pied de l’église
d'Orvault, je devrais y être dans quelques minutes.
Je retrouve mon fan
club après 1h55 de course et un peu moins de 20km. Pour l'instant
tout va bien, je suis en forme, ça me fait plaisir de les voir mais
il ne faut pas trop que je m'attarde, un petit diable au-dessus de ma
tête me dit que je serai bien mieux avec elles au chaud ! Il faut
que je chasse cette idée de mon esprit et que je reparte.
Nous nous donnons
rendez-vous à saint Etienne de Montluc.
Côté météo c'est
parfait, ni trop chaud ni trop froid, pas de pluie, j'ai de la chance
car les jours précédents jusqu'à ce matin il y a eu de belles
averses.
J'approche
maintenant de Sautron, je traverse le Cens vers le 25ème km, j'ai
commencé à alterner course et marche afin de me préserver, la
route est encore longue !
Côté alimentation
je ne suis pas au top, les gels sucrés passent très bien, en
revanche j'ai essayé de manger une barre de céréale et j'ai bien
du mal à l'avaler.
28ème kilomètre
j'arrive au niveau du circuit de Karting de Sautron et il y a une
compétition en cours, je m'arrête un instant pour les regarder
tourner sur le circuit.
Le soleil commence à
tomber, la luminosité change, je traverse la N165 et je repars sur
une longue portion de bitume, je fais un point au 30ème km, je suis
parti depuis 3h08 exactement, je suis un peu fatigué, j'ai mal aux
mollets, mais rien d'inquiétant.
Maintenant je suis
sur un terrain que je connais un peu mieux, c’est une partie
empruntée par le super trail nantais que j’ai déjà couru deux
fois.
Je reçois un coup
de fil de ma chérie qui me dit qu’elles m’attendent à l’église
de Saint Etienne de Montluc pour un dernier encouragement avant de me
laisser seul pour la nuit.
Je les retrouve
comme prévu vers le 37ème km et 3h58 de course. Je suis crevé,
j’ai un gros coup de mou mais j’essaie de ne pas trop le montrer
malgré le fait que ma femme me trouve palot !
Je n’arrive pas à
manger ni les barres de céréales ni les tucs salés ne passent, ça
va devenir problématique !
Je ne m’attarde
pas trop, mais à ce moment là je n’ai qu’une envie, celle de
rentrer chez moi … mais non je me suis tellement préparé que je
ne vais certainement pas abandonner pour un petit coup de moins bien
!
Je m’équipe de ma
lampe frontale et je repars, prêt à affronter une longue nuit.
Juste avant de
quitter Saint Etienne je passe devant la salle des fêtes où se
déroule une soirée, certainement un mariage. Je passe mon chemin
pour retrouver rapidement mon GR favori.
Maintenant mon
prochain objectif est le lieu dit de la Colle où je dois me
ravitailler.
Je refais un point
au 40ème km, je suis complètement cramé, je décide de marcher
jusqu’à ce que je récupère. Cette fois il fait nuit, je suis
obligé d’allumer ma lampe frontale.
Même si je connais
le parcours, je dois quand même faire attention de bien repérer les
marques du GR, d’autant que ma vigilance baisse avec la fatigue, je
dois veiller à ne pas me perdre où me blesser en tombant, il y a
quelques passages où je peux glisser sur des pierres mouillées par
exemple.
D’ailleurs peu
après le 40ème je trouvais drôle de ne plus trouver de marques et
effectivement j’avais pris le mauvais chemin sur quelques centaines
de mètres.
43ème kilomètres
et 5h11 depuis le départ, j’arrive enfin à la colle, je pose mon
sac et je m’assoie un peu à la table, ça fait du bien !
Heureusement il y a de l'eau au robinet, ma crainte était qu'il soit
fermé pour la nuit ! Je fais le plein de ma poche (mais elle
n’était pas vide) et de mon bidon (en boisson énergétique), je
me rince le visage à l’eau fraiche et je repars après une dizaine
de minutes.
Cette pause m’a
fait le plus grand bien, j’ai retrouvé de l’énergie et je
repars en courant.
Cette partie est
assez « casse pattes » donc j’alterne quand même
marche et course à pied, en revanche je connais cette portion par
coeur je pourrais presque le faire en fermant les yeux !
Je reçois un appel
d’Anthony, lui et Yann vienne de courir l’Ultra Trail Puits Marie
Aurillac et a priori ils en ont bavé, ils ont eus une météo
pourrie, mais bon ils ont fini, à l'heure qu'il est ils sont au
restaurant alors que moi je suis loin d'avoir fini.
J’arrive au 50ème
km (6h19 de course) peu après le lieu dit de la Touche, ça va
toujours, j’ai vraiment retrouvé une seconde santé, je n’ai pas
besoin de chercher le GR, j’ai parcouru ces sentiers des centaines
de fois depuis que je pratique le trail, ça a un côté rassurant,
je me sens un peu chez moi.
J’ai reçu une
série de SMS en quelques minutes mais je n’arrive pas à les lire
puisque je cours sans mes lunettes.
Vers le 51ème km
j’entends des bruits lointains, comme si il y avait une rave party
dans le coin.
A mesure que
j’avance le son s’amplifie, et mon téléphone qui m’annonce un
nouvel SMS. Cette fois je décide d’appeler l’émetteur du
message, ça je sais le faire sans lire l’écran. Il est minuit et
demi je pense savoir qui c’est !
« Salut Franck
! Salut Steph, tu ne dors pas ? …», j’ai même le droit à un
encouragement de la part de ma petite nièce, ça fait du bien de
parler à quelqu’un.
Cette fois je
comprends ce qui se passe, ce n’est pas une rave party,il s’agit
d’une bande de jeunes qui font une fête dans un pré, il y a un
gros feu, des tables et beaucoup de vies, ils parlent fort, ils ne
doivent plus être très frais !
Je me sens un peu
comme un voyeur, je suis dans le noir ils ne peuvent pas me voir, ou
alors juste ma lampe frontale.
Le sentier débouche
sur une petite route et je passe juste devant le lieu des festivités.
Deux femmes (a priori jeunes) se sont écartées du groupe et
marchent sur la route devant moi. En m’entendant elles se
retournent, elles arrêtent de parler puis d’un coup elles se
mettent à courir en criant comme des folles comme si j’étais un
pervers à la recherche de proies. Cette situation m’a beaucoup
fait rire !
J’arrive au lac de
Savenay à 1h18, j’en profite pour m’asseoir 5 minutes sur un
banc, ça fait du bien, mais ce n’est pas le moment de s’endormir.
J’entre dans
Savenay à 1h30 du matin, les lampadaires sont allumés ça me
réveille un peu !
En traversant le
centre j’entends un peu de vie dans les bars, je ne suis pas tout
seul debout.
Je passe au 60 ème
km après 7h53 de course, j’ai de nouveau un gros coup de fatigue
mais cette fois je pense que c’est plus une envie de dormir qui me
prend, ça va passer.
Vers 2h20 je
traverse la Chapelle Launay et ici aussi il y a de l’activité, je
vois des jeunes qui s’engueulent, j’ai l’impression qu’ils
vont se battre, de la manière donc ils parlent (crient) ils n’ont
pas bu que de l’eau, j’entends également au loin un DJ qui anime
une soirée.
Je m’arrête à
l’église pour refaire le plein en eau et changer mes piles qui
commencent à faiblir un peu.
Je remarque qu’il
me reste encore beaucoup d’eau, je ne bois pas suffisamment !
Je ne m’attarde
pas trop il y a des zombies qui trainent pas très loin de moi, je
n’ai pas envie de me frotter à eux.
J’entre dans
Boitouze vers 3h15 du matin, j’ai parcouru 68 km et je suis
extrêmement fatigué, j’ai très envie de dormir, mes yeux se
ferment tout seul.
J’en peux plus, je
m’arrête à une table de pique-nique, j’enlève mon sac,
j’éteins ma lampe, je m’allonge sur le banc et je pose mon sac
sur ma poitrine en guise de couverture. Quel calme, et dire que je
suis à 500 mètres de chez moi, qu’est ce que je serai bien à la
maison au chaud avec ma femme et ma fille ! Je m’endors en
regardant les étoiles.
J’ai dormi
profondément pendant 10 minutes et ça m’a requinqué, en revanche
je me suis refroidi, j’enfile ma veste coupe-vent et je repars.
Je passe donc au 70
ème km à exactement 3h45 (9h45 de course), je suis à la
mi-parcours, je m’arrête 2 minutes pour changer de montres GPS,
jusque-là j’avais une Garmin Forerunner 205 qui a environ 10
heures d’autonomie, je vais continuer avec une Suunto Ambit 3 run
qui elle peut tenir 15 heures. et c’est reparti…
Une forte brume fait
son apparition, je ne vois pas grand-chose à 10 mètres,
heureusement cette portion est beaucoup plus roulante, je ne risque
pas de trébucher sur une racine.
80 ème kilomètre
il est un peu plus de 5 heures du matin (11h05 depuis le départ), je
suis fatigué (encore !) le soleil devrait pointer le bout de son nez
dans 30 minutes, je compte sur lui pour me donner un coup de boost.
Peu après je passe
à proximité d’une table de pique-nique, j’en profite pour
refaire une micro sieste, cette fois en position assise.
Vers 6 heures du
matin j’assiste enfin au levé du soleil, c’est magnifique, c’est
une nouvelle journée qui commence et la fin approche.
Je reçois un coup
de fil de ma chérie, elle vient juste de se réveiller et m'appelle
pour prendre des nouvelles. Je prends alors conscience que j’ai
passé la nuit dehors et tout compte fait ça m'a paru assez rapide,
à vrai dire je ne me souviens pas de tout, il y a des moments où je
devais dans un état de somnolence.
90 km, 12h52 de
course, il fait bien jour maintenant, je me sens bien mis à part une
douleur derrière le genou droit ou plutôt en haut du mollet, un peu
comme une crampe, j’espère que ça va passer, je ne suis pas très
loin de Crossac où je dois me ravitailler.
C’est assez
curieux, je passe par des moments où j’ai chaud et d’autres où
j’ai froid, certainement l’effet de la fatigue.
J’arrive à
l’église de Crossac après 94 km et 13h30 de course, il est 7h30,
je pose mon barda et je m’assoie sur les marches de l’église.
Des coureurs
s’apprêtent en enfourcher leur vélo pour leur sortie dominicale,
ils ne se doutent pas que je suis parti depuis la veille.
Je profite de cet
arrêt pour changer de chaussettes, de maillot, j’enfile ma veste
coupe-vent et je me passe de la crème anti frottement sur certaines
zones un peu irritées.
Bien sûr je fais le
plein d’eau et je repars vers le km 100.
J’arrive au 100
ème kilomètre peu avant Sainte Reine de Bretagne, je les ai
parcourus en 14h43.
Au même moment je
reçois un appel de Yann, il m’appel pour prendre de mes nouvelles,
je lui explique que je suis complètement cramé que c’est dur mais
que je viens de passer le 100ème que j’ai fait le plus difficile
et donc que je vais finir.
C’est aussi à
partir de ce moment là que ma montre s’est mise à déconner, d'un
coup elle m'a affiché 8 km de plus, c’est pas possible quelle
mer…!
Dans les marais, je
fais la rencontre d’un pêcheur et je m’arrête 2 minutes pour
discuter de tout et de rien, je lui demande si ça mords, il me
répond que non, qu'il a trop plu les jours précédents. Il me
demande d’où je viens, je lui réponds « de Nantes »
... il a dû me prendre pour un fou ou pour un menteur !
Ce passage est très
joli je suis sur un petit chemin entre deux canaux en pleine Brière,
il n'y a pas âme qui vive, c’est magnifique.
Ma femme m’appelle
pour me demander où je suis, je suis obligé de demander à
quelqu’un pour savoir que je suis dans le village de Camer, j’ai
chaud, je suis HS j’ai très mal à mon mollet droit (toujours) ça
ressemble à une contracture.
On se donne
rendez-vous à la sortie des marais, j’ai une grosse portion
(environ 5 km) à traverser avant d'arriver à une aire de départ
pour les touristes désirant faire un tour de barque.
Le fait de ne plus
savoir à combien de km j’en suis me perturbe beaucoup, jusque-là
ça me servait de guide, de repère et d’un coup ça ne fonctionne
plus, ce n'est pourtant pas grave mais ça ne fait qu'aggraver la
situation. En revanche ma montre m'indique toujours la direction à
suivre donc je ne peux pas me perdre. Je critiquais le « sport
business » en introduction mais je m'aperçois que le simple
fait de perdre la distance parcourue bouleverse et met en péril mon
projet...
Bref, de mémoire je
sais que là où je suis c’est le 110 ème km, j’ai toujours très
mal à la jambe je ne peux plus courir, j’ai chaud, ça ne va plus
du tout, j’ai encore 32 km à faire, je vais devoir terminer en
marchant, ça va être long !
Je trouve cette
portion de marais interminable, le terrain est instable et par
endroit à peine défricher, les roseaux me coupent la peau.
J’arrive enfin au
point de rendez-vous (vers le 114ème km) au bout de 16h30 de course,
je suis le premier arrivé, le petit diable me dit que je dois jeter
l'éponge ici, que je ne peux pas continuer en souffrant davantage,
je n'arrive pas à trouver des ressources pour m'empêcher
d'abandonner.
J'attends assis sur
un petit pont au bord de la route (D51), je ne sais pas ce que je
vais faire lorsque la voiture arrivera, c'est tellement dur et
décevant d'arrêter, c'est un échec et en même temps ça ne serait
pas sérieux de continuer dans cet état !
Ma femme et ma fille
arrivent enfin, elles n'ont pas besoin de me demander si je vais
bien, ça se lit sur mon visage. Je suis resté assis à peine 5
minutes et en me relevant j'ai bien de la peine à marcher
……………...c'est décidé j'arrête là !
5 – L'heure du bilan
Dans la voiture sur
le chemin du retour je commence déjà à regretter d’avoir
abandonné, tout ça pour ça, tous ces entrainements pour échouer
si près du but !
L’abandon fait
partie du trail et du sport en général mais ce n’est jamais
facile à vivre, j’essaierai d’en tirer des enseignements, je
n’ai certainement pas assez bu et ce dès le départ mais est-ce
vraiment la cause, je ne sais pas ! J’ai peut-être eu les
yeux plus gros que le ventre autrement dit j’ai peut-être mis la
barre un peu trop haute !
Quant à savoir si
je ferais un nouvel essai sur le même parcours, il est encore trop
tôt pour y penser, ce qui est sûr c'est que je ne le referais pas
tout seul, la solitude sur ce genre d’épreuve est un paramètre
qui a sa place et je crois que je n’ai pas su le gérer.
Cela reste quand
même une belle expérience et je ne regrette pas de m’être lancé
ce défi, reste maintenant à reprendre en douceur les entrainements
et rapidement se fixer un nouvel objectif.
Voilà fin de
l’histoire.